La force du handicap
L’été est propice à la lecture. Moments hors du temps, en lien avec les mots de l’auteur et le papier du livre, toutes choses autrement plus habitées que nos outils électroniques si contraignants mais tant aimés.
Sur les conseils de mon amie Clémentine Lego (coach & médiatrice), je viens de lire « Éloge de la faiblesse » d’Alexandre Jollien. C’est la première fois que je lisais un ouvrage de cet écrivain philosophe et ce livre est le premier qu’il a publié. Petit livre sous la forme d’un dialogue entre Socrate et Alexandre.
Cette lecture a été pour moi une belle rencontre. En guise de résolutions de rentrée, je vous propose mes impressions en quelques mots. Bien sûr, sa parole m’a d’autant plus touché que je suis en pays de connaissance, étant moi-même handicapé.
Alexandre Jollien est handicapé de naissance. Il a vécu jusqu’à l’âge de 20 ans dans une institution pour personnes handicapées moteur cérébral, en Suisse. Il appelle cet institut, le « Centre ». Dans son livre, il nous relate ce qu’il a appris dans ce lieu. Ce qu’il y a vécu l’a construit, lui a permis d’habiter et de dépasser son handicap.
Il évoque avec tendresse ses amis, handicapés comme lui. Philippe, Jérôme et Adrien. Ils se soutenaient ensemble pour pallier leurs solitudes respectives. Ils apprenaient jour après jour le métier d’homme. « Nous nous aimions. C’était ainsi. Nous n’avions pas le choix ». Belle obligation…
Quand Jérôme demande à Alexandre « Comment ça va ? », il lui exprime combien il est heureux qu’il existe à ses côtés et que lui-même est heureux d’exister. Cette expression des plus banales prend entre eux une profondeur vitale. Bien loin de nos échanges quotidiens autour d’un bonjour/au-revoir mécanique.
Il nous parle des éducateurs chargés de les accompagner, avec qui ils étaient souvent en rapport de force. Obligés d’être en opposition pour survivre. L’auteur cite Nietzsche, qui conseille de tirer profit des épreuves et de l’injustice. Un beau sujet de réflexion pour nous aider à surmonter le défaitisme ambiant. Alexandre évoque les bienfaits et l’amour de certains éducateurs mais aussi l’incompétence et la suffisance de certains autres…
Après le Centre, Alexandre intègre une École de commerce. Il fait l’apprentissage du comment vivre avec un handicap au milieu de personnes « normales ». A l’un de ses copains, il dit « Il ne faut pas fuir le handicap. Pour cacher le mien, il faudrait que je sorte dans la rue emballé dans un sac poubelle ». Vivre avec son handicap avec distance et autodérision douce pour mieux vivre avec les autres. Il évoque l’éducateur qui considère que « chacun détient en lui les solutions qu’il s’agit de mettre en lumière », comme dans un coaching réussi. L’auteur évoque la distance excessive que mettaient les éducateurs envers les jeunes handicapés. Expression d’une peur…, peur de quoi ?
Sur le handicap et sur la manière de vivre, quelques phrases essentielles… « La différence trouble, décontenance l’homme dans son souci de perfection », sur le regard que nous portons sur le handicap et en quoi il nous dérange dans nos propres certitudes.
« Il faut tout mettre en œuvre pour parvenir à tirer profit, même de la situation la plus destructrice », crédo d’une vie à chercher les solutions plutôt que de se perdre dans la plainte. Toujours sur la notion de difficultés à résoudre, l’auteur nous raconte ses premiers pas, seul, dans sa chambre d’étudiant. La manière dont il a appris à sortir une à une les croquettes du four est digne d’admiration. « Chaque difficulté me stimulait, devenait l’occasion d’une aventure passionnante » nous dit Alexandre. Chemin de vie, précepte de vie, en toutes occasions se poser la question, face à une difficulté : quelles sont les solutions que je peux inventer. Les personnes dites handicapées se posent cette question en permanence… A méditer et à copier sans retenue !
Je disais en préambule que j’étais en pays de connaissance… J’ai trouvé dans les paroles d’Alexandre Jollien matière à découverte, soutien et énergie. A conserver bien au chaud pour les moments de doute et de fragilité. Merci confrère !
Je voulais vous faire partager mes impressions de lecture et vous inviter à lire ce petit ouvrage (95 pages seulement…). Laissez un temps vos tablettes et vos smartphones pour vous connecter à une pensée pleine d’espoir et de générosité. Bienfaits garantis !!
« italique » : phrases extraites du livre d’Alexandre Jollien.
Une réponse à “La force du handicap”
J’aime ton partage Francis, c’est fort, bravo et merci à toi
Clémentine